On le sait, l’échec scolaire
préoccupe beaucoup les enseignants, les parents et le politique. Plus
besoin de rappeler qu’il coûte très cher à la collectivité et que ses
bienfaits sur les enfants sont plus que relatifs. Du coup, il est à la
mode de parler de remédiation scolaire. Mais pour qui? Et comment? Le mouvement pédagogique Changements pour l’égalité (CGé) vient de publier un rapport sur le sujet.
Nous pensons que les coachings payants ne prennent une telle ampleur que parce que l’École échoue dans ses missions. S’il n’y avait pas autant d’échecs scolaires, ce marché ne serait pas aussi florissant. La réponse à cette dualisation est bien au sein de l’École qui doit trouver le moyen de mieux faire apprendre.
Une remédiation efficace
Ont-ils interrogé des enseignants et des remédiateurs? Bien sûr. Et c’est sur base de ces entretiens qu’ils ont élaboré des « pistes concrètes de ce que chacun peut faire dans sa classe ou son école dans le système tel qu’il est aujourd’hui ».
Partir de l’élève
Mais comment mettre en place une remédiation efficace? Dans un premier temps, il est essentiel de partir des élèves, de leurs besoins, de leurs attentes. Faire le bilan avec lui de ce qu’il maîtrise – et le valoriser – et de ce qu’il doit encore acquérir.
Pour mesurer le chemin parcouru par un élève, qu’il soit en difficulté ou non, on peut regarder la distance qu’il lui reste à parcourir pour atteindre l’objectif ou regarder la distance qu’il a parcourue depuis le départ. Les deux mesures ont leur pertinence. La première met l’accent sur ce qui manque, la deuxième met l’accent sur ce que l’on a acquis.
« On voit ainsi naitre à certains
endroits des portfolios dans lesquels les élèves conservent des traces
de réussite pour différents domaines de leur scolarité, aussi bien pour
les disciplines de base qu’en éducation physique ou artistique ou encore
un évènement organisé par la classe… Il faut être créatif pour trouver des formes conservables de façon aisée de ces réussites mais c’est à la portée de tous. »
Se tromper, c’est positif!
Dans un deuxième temps, le CGé suggère de changer le statut de l’erreur puisque « pour
apprendre vraiment, il faut pouvoir se tromper. Un apprentissage sans
confrontation à l’erreur n’est pas complet. Il ne montre pas les limites
du savoir, il ne montre pas non plus comment s’est construit ce savoir
au niveau épistémologique ou historique. » L’idée est de lutter
contre la peur de l’erreur et faire comprendre aux élèves que l’on
apprend de ses erreurs et de celles des autres. Pour atteindre cet
objectif, il serait plus judicieux que a) l’enseignant ne soit pas à la fois formateur et évaluateur.
L’examen final ne dépend plus de lui et les erreurs de ses élèves
n’auront pas de conséquences sur l’image et la perception qu’il a d’eux.1 b) on dissocie les évaluations certificatives et formatives.
Une troisième étape est de pouvoir décoder et accompagner l’échec scolaire.
Quel est le blocage de l’élève? Qu’est-ce qui le motiverait à
travailler? Il faut partir des causes de l’échec (j’ai été distrait, il y
avait trop de bruit, le prof explique mal, je n’ai pas compris…) pour
l’amener à réfléchir sur la nature de ces causes et voir sur lesquelles
l’élève a prise et peut travailler.
Pour avancer, le CGé propose d’agir sur le système et de revoir le principe même de remédiation. Car même bourrée de bonnes intentions, elle peut se révéler désastreuse si elle reproduit – et c’est souvent le cas – les inégalités sociales…
alors qu’elle doit au contraire les combattre. Car oui, même la
remédiation peut laisser, c’est un comble, les élèves qui en ont le plus
besoin au bord de la route. Parce qu’ils sont turbulents, ne donnent
pas l’impression « d’en vouloir », etc. « On ne fait pas
venir les élèves qui n’ont pas travaillé en classe. On laisse la
priorité aux autres. Il faut d’abord qu’ils se calment en classe. La
remédiation est utile pour ceux qui le désirent. On ne prend pas ceux
qui perturbent. »
Le CGé propose de renforcer ces bonnes
pratiques en soutenant financièrement les établissements qui les mettent
en oeuvre… tout en apportant aide et conseils aux enseignants et
directions afin d’affecter ces moyens intelligemment, dans une vision à
long terme.
Faire des choix politiques, c’est autre chose que de soutenir de bonnes pratiques. C’est donner des orientations qui partent d’une vision qui soit située hors du système, c’est faire des choix qui renoncent à certaines options et qui contraignent à d’autres. Au niveau politique comme dans une classe, il ne suffit pas d’accompagner, il faut savoir où l’on va et prendre des dispositions pour y aller.
Encourager le travail en équipe
Le Mouvement propose également d’appliquer le continuum pédagogique tel qu’il a été conçu dans le décret mission… mais de façon plus radicale. « Il s’agit de créer un vrai tronc commun polyvalent.
Notre proposition se base sur l’existence du continuum pédagogique qui
va de l’entrée dans le fondamental à la fin du premier degré (de 5 à 14
ans).
En effet, les aménagements en cascade subis par le premier degré de l’enseignement secondaire n’ont pas le temps de se stabiliser qu’ils sont déjà critiqués et remis en question. Les paradoxes du système rendent celui-ci illisible, incompréhensible pour le commun des mortels. Comment garder sa motivation si on ne comprend pas à quoi on joue, tant pour les élèves que pour les enseignants ? Nous pensons qu’un travail de clarification des objectifs et de simplification des moyens est nécessaire. Mais pour réellement simplifier, il faut clairement restructurer.
Restructurer? Comment? En concevant donc un vrai tronc commun polyvalent qui ouvrirait sur toutes les dimensions des apprentissages
qu’ils soient manuels, artistiques, relationnels, moteurs, et
intellectuels, etc. En clair, on ne prépare plus les enfants à exercer
un métier en particulier… mais on les ouvre à tous les types de savoirs.
Le CGé pense qu’il faut également repenser le travail des enseignants du 1er degré sur un mode pluridisciplinaire… qui passerait donc par le travail d’équipe. Il « permettrait
une transition pour les élèves entre le modèle de l’enseignant unique
au fondamental et un enseignant par discipline dans le secondaire. Le
modèle proposé garantirait une forme d’unité d’enseignement par le
groupe restreint de collègues travaillant avec le même groupe
d’élèves. »
Sans oublier la création de nouveaux outils didactiques. « Il
faut créer, collectiviser et rendre cohérents des outils didactiques
qui permettent aux apprentissages de se faire en tenant compte de la
diversité des apprenants qu’un enseignant peut rencontrer. (…) Certains
s’attèlent à cela depuis de nombreuses années, mais leurs productions
restent confidentielles. »
C’est un vrai changement en profondeur de l’école que ce Mouvement appelle de ses vœux.
Un tel changement implique de changer les mentalités. Celles des enseignants et du monde éducatif, mais aussi celles des familles et des politiques. Cela demande que l’on revoie radicalement l’organisation de l’école, mais plus fondamentalement cela veut dire que l’on (re) fait de l’école un bien commun, c’est-à-dire un bien qui appartient à un collectif. C’est ce collectif, et non la juxtaposition d’individus, qui détermine quels en sont les objectifs et les moyens d’action, ce qui fait oeuvre utile pour la communauté. L’École ne retrouvera son sens et donc sa pleine capacité d’action que si elle s’enracine dans la recherche du bien commun et non du bien (être) individuel.
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